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Les menaces pesant sur l’écosystème d’un milieu humide côtier ont poussé cette femme à s’engager. Aujourd’hui, elle en dirige les efforts de préservation.

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Denise Foster se donne pour mission de protéger l’estuaire de French Creek, un habitat côtier vital et unique qui abrite des ours, des couguars, des cerfs et des centaines d’espèces d’oiseaux, dont le majestueux pygargue à tête blanche.

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« C’est vraiment mon endroit préféré, confie Denise entre deux cris de hérons dans le ciel. J’ai visité beaucoup d’endroits, mais je n’en ai jamais connu un aussi intimement que celui-ci. »

Les liens qu’entretient Denise avec l’estuaire de French Creek sont évidents lorsqu’elle me guide loin de la ligne de démarcation et à travers la forêt. Elle a une histoire pour chacun de nos pas. 

« On ne se rend pas compte qu’environ 80 % des espèces côtières viennent dans les estuaires, dit-elle en scrutant avec ses jumelles l’endroit où la mer rencontre le cours d’eau. Des ours et des couguars fréquentent régulièrement cet endroit, et des cerfs y vivent en permanence. Des centaines d’espèces d’oiseaux terrestres, marins et fluviaux. C’est phénoménal. »

Denise Foster est cofondatrice et présidente de la Save Estuary Land Society. En 2018, avec son défunt compagnon, Peter Giesen, elle a quitté Victoria pour construire une maison à l’angle de ce qui est aujourd’hui la réserve naturelle de l’estuaire de French Creek. On leur avait dit que la zone boisée située derrière leur maison était un parc, mais ce n’était pas le cas : appartenant à des particuliers, les vingt-trois acres de terres écosensibles situées à côté de l’estuaire de French Creek risquaient fort d’être urbanisées, non seulement pour des habitations individuelles, mais aussi par des immeubles collectifs et des condominiums.

« Sans de tels espaces, on assiste à une énorme perte d’habitats fauniques et d’endroits où les gens peuvent se familiariser avec la nature. Nous n’avions pas l’intention de les laisser développer le coin. »

C’est à ce moment-là que Peter et Denise ont décidé de mener une campagne pour protéger l’estuaire en empêchant l’abattage de la forêt côtière de douglas de Menzies, le remblayage des zones humides et la construction de lotissements. Accompagnés de trois autres membres enthousiastes de la communauté, ils ont créé la « Save Estuary Land Society » (Société pour la protection des terres de l’estuaire).

Tandis que les colverts se mêlent aux mouettes, la lumière du matin illumine le visage de Denise, qui observe tranquillement leurs mouvements au bord du ruisseau. Derrière elle, un héron se dirige vers son déjeuner avec beaucoup de patience et d’attention.

« Je suis quelqu’un de très positif, explique Denise.  Grâce à mon parcours dans les loisirs publics, j’ai eu l’occasion de voir des résultats étonnants lorsque les gens se rassemblent autour d’un objectif commun. Je savais donc qu’il fallait rassembler beaucoup de monde pour protéger ces terres ».

 

Dans un premier temps, la Save Estuary Land Society a entrepris de prouver que l’estuaire était une zone écologique importante qu’il convenait de protéger. Elle a rassemblé des études et des évaluations biologiques réalisées au fil des ans, et a trouvé son financement grâce à des campagnes d’éducation du public menées par des bénévoles et des directeurs qui faisaient du porte-à-porte pour vendre des billets de tombola dans leur région.

Denise savait que ce n’était qu’un début. Elle a rapidement entrepris de faire connaître le projet en faisant participer le plus grand nombre possible de groupes communautaires. En collaboration avec les naturalistes d’Arrowsmith, la Friends of French Creek Conservation Society, la Mid-Vancouver Island Habitat Enhancement Society et de l’Institut de recherche de la région de la biosphère du Mont Arrowsmith à l’Université de l’Île de Vancouver (VIU/MABRRI), Denise a demandé au directeur général de la BC Parks Foundation, Andy Day, de contribuer au rayonnement de leur initiative. Andy a pris contact avec les Premières Nations Qualicum et Snaw-Naw-As pour obtenir l’approbation du projet, puis avec le propriétaire du terrain, French Creek House ltd et le district régional de Nanaimo, pour discuter d’une collaboration.

Denise se souvient : « Je n’oublierai jamais les paroles d’Andy : “J’ai hâte de faire des choses passionnantes ensemble en 2022.” Ensuite, la magie a opéré. La BC Parks Foundation est intervenue et a obtenu du propriétaire du terrain qu’il fasse don de la valeur du terrain, et a amené Dax Dasilva et Age of Union à faire un don d’un million de dollars. C’est ainsi qu’a été lancée la campagne de financement participatif — un tourbillon d’émerveillement et de succès. Je crois que c’est ce rassemblement de personnes qui a convaincu la BC Parks Foundation que cette campagne serait couronnée de succès. »

Et ce fut le cas. Grâce à des dons provenant de toute l’île de Vancouver, du Canada et d’ailleurs, l’objectif a été atteint à temps et le terrain a été conservé en tant que réserve naturelle de l’estuaire de French Creek.

Denise et plusieurs représentants de groupes locaux de protection de la nature, ainsi que le personnel de VIU/MABRRI et du district régional de Nanaimo, travaillent à l’élaboration d’un plan de gestion sur dix ans afin d’assurer la préservation et l’amélioration de la biodiversité de la réserve naturelle et des valeurs naturelles particulières de la région. Des études scientifiques sur les insectes et les insectivores aériens, une étude des communautés végétales et des moyens de «renaturalisation» des rives du ruisseau sont déjà en cours. Ces projets sont menés par des experts dans leur domaine et soutenus par des bénévoles locaux, dont l’un a découvert un papillon de nuit rare.

Tandis que Denise me parle de chacune de ces études, je ne peux m’empêcher de remarquer son affinité pour les aigles et les hérons de la réserve. Lors de notre promenade, elle remarque les individus et les familles qui s’appellent au-dessus de nos têtes d’une manière qui montre qu’ils lui sont familiers. C’est d’autant plus impressionnant que l’estuaire de French Creek est une destination et un habitat de choix pour les pygargues à tête blanche. « Nous avons parfois jusqu’à 200 pygargues perchés dans les arbres lorsqu’il y a une abondance d’aliments de grande valeur. C’est l’une de ces zones où tout est réuni pour que les espèces puissent trouver de la nourriture. »

En 2023, la Save Estuary Land Society a reçu une subvention de la BC Parks Foundation pour identifier et assurer le suivi des nids de pygargues à tête blanche et de grands hérons de Deep Bay à Nanoose. Ce sont 45 bénévoles qui se sont rendus sur le terrain pour collecter et enregistrer des données.

« Nous avons reçu des photos et des rapports incroyables sur le succès des nids de pygargues et de hérons, mais aussi de tristes nouvelles. Le grand héron est une espèce en péril qui figure sur la liste bleue. Ces oiseaux sont si facilement dérangés qu’il leur est difficile de trouver des sites de nidification appropriés à proximité des sources de nourriture. Les données de notre projet indiquent qu’il y a beaucoup moins de sites de nidification actifs. Nous communiquerons ces informations à la province, et nous espérons qu’elles inciteront davantage à protéger les hérons.

Alors que nous approchons de la fin de notre promenade, mes oreilles se dressent en direction d’un grand douglas de Menzies situé à une centaine de mètres. Denise me guide en silence jusqu’à la limite de la réserve, tandis que nous écoutons les bruyants claquements de cinq oisillons de grands hérons nourris par leurs parents. Denise me parle d’un autre nid rempli de jeunes situé quelques arbres plus loin. Elle observe ces nids depuis des mois.

Un sourire se dessine sur son visage, voire même une pointe de soulagement, alors qu’elle observe les oisillons se déplacer maladroitement sur leur branche.

Ces nids se trouvent en haut des arbres, juste à l’extérieur de la réserve, sur un terrain privé non aménagé. Les hérons sont en sécurité pour le moment, mais ces arbres pourraient être abattus si un permis était délivré par le ministère provincial. Denise dit exactement ce que je pensais qu’elle dirait. « Alors j’espère… je pense… ne serait-ce pas formidable d’ajouter ce petit bout de terrain privé à la réserve? »

Crédits

Sam Rose Phillips

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