FEMMES DE LA TERRE : DES HISTOIRES D’ESPOIR POUR LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME
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En tant que documentariste, je suis témoin de la crise climatique qui se développe dans le
monde entier. J’ai vu de mes propres yeux comment le braconnage et la surpêche
appauvrissent les océans. J’ai roulé au milieu de feux de forêt. J’ai parlé avec des gens
dont la maison avait tout juste été détruite par un ouragan. Dans de tels moments, ce sont
toujours les femmes qui ravivent mon espoir.
En cette Journée internationale de la femme, nous prenons le temps d’honorer le rôle
essentiel des femmes dans la préservation et la protection de la Terre.
La diversité est un puissant vecteur de changement. Les femmes qui défendent la planète
à travers des liens avec la terre, la science, le militantisme, l’art et la spiritualité
m’inspirent continuellement. Une approche isolée ne peut pas soutenir cette planète très
longtemps, mais un changement profond devient possible une fois ces approches unifiées.
En l’honneur de cette diversité, je tenais à vous présenter trois femmes qui suscitent en
moi un grand espoir et incarnent cette mission sous des angles différents : Alexandra
Morton, biologiste; Tiffany Joseph, jeune porteuse du savoir des peuples Sḵx̱wu7mesh et
W̱SÁNEĆ ; et Rebecca Benjamin-Carey, militante. Je me suis entretenue cette semaine
avec elles sur l’importance des femmes dans la protection de la nature.
ALEXANDRA MORTON
« C’est un travail de femmes. » Au bout du fil, Alexandra Morton prononce ces mots sans hésiter. « Au fond de nous, nous nous préoccupons de la prochaine génération, nous voulons semer les graines, labourer le sol et fournir l’environnement nécessaire à la survie, à la croissance et à la famille. »
Son combat de 30 ans pour sauver le saumon sauvage de la Colombie-Britannique a valu à Alexandra le surnom de « la Jane Goodall du Canada ». Biologiste de terrain et militante, Alexandra a mené des recherches révolutionnaires sur les effets néfastes de la salmoniculture en mer. Elle s’est opposée à ce type d’élevage et a joué un rôle essentiel dans les nombreuses actions juridiques et de contestation contre cette industrie.
En faisant référence à l’occupation de l’archipel de Broughton par des protestataires autochtones, elle continue : « Les femmes tiennent bon. J’ai pu le constater lors de l’occupation des fermes à saumon qui a duré 280 jours. Les jeunes femmes autochtones ont vraiment tenu bon. Elles étaient conscientes de l’importance d’être simplement là, d’y investir leur présence, d’y créer un foyer. C’est profondément un travail de femmes. Nous avons la capacité de rester au même endroit et de mener à bien quelque chose. Et nous bénéficions d’un avantage qui est dans notre ADN. C’est un atout d’être une femme ; c’est une force. Nous sommes faites pour supporter une douleur extraordinaire et pour élever nos enfants, ce qui est un processus très long et exigeant. Il y a donc une certaine structure qui nous est intrinsèque et qui, lorsque nous l’appliquons à notre planète, est merveilleusement pertinente. C’est tellement naturel. »
En écoutant Alexandra parler de cette force innée, toutes les femmes de ma vie me viennent à l’esprit. S’il s’agit vraiment d’un travail de femmes, alors pourquoi a-t-on l’impression que les femmes ont été exclues de la conversation si longtemps ?
TIFFANY JOSEPH
Tiffany Joseph, gardienne et éducatrice des communautés Sḵwx̱wú7mesh et W̱SÁNEĆ, étaye cette question sur la réalité historique: « Les visions patriarcales du monde des premiers explorateurs et colonisateurs redoutaient le pouvoir des sociétés matriarcales. Leur première stratégie pour voler des terres était de retirer le pouvoir aux femmes. Le colonisateur a toujours su qu’il ne pouvait pas voler la terre si les femmes et les personnes bispirituelles avaient du pouvoir et de l’autorité. »
Elle poursuit son explication : « Dans notre culture, les personnes de tous les sexes étaient responsables de la famille, des cérémonies, de l’économie et de l’intendance de la terre. L’influence coloniale a ôté ce pouvoir et ce contrôle des mains des femmes et des peuples bi-spirituels pour les mettre entre les mains des hommes autant que possible. »
« La perspective patriarcales des premiers colons et des explorateurs craignaient le pouvoir des sociétés matriarcales. Leur première stratégie pour voler la terre a été d’enlever le pouvoir aux femmes. Les colons savaient qu’ils ne pouvaient pas prendre la terre si les femmes et les personnes bispirituelles avaient pouvoir et autorité. »
Elle ajoute : « Dans notre culture, les gens de tous les sexes étaient des chefs de famille, des maitres de cérémonies, gardien de l’économie et de l’intendance de la terre. L’influence coloniale a retiré ce pouvoir et ce contrôle des mains des femmes et des personnes bispirituelles et l’a mis entre les mains des hommes autant qu’ils le pouvaient. »
REBECCA BENJAMIN-CAREY
Rebecca Benjamin-Carey vit sur le territoire traditionnel de la Première Nation K’ómoks sur l’île Hornby. Elle a participé à des recherches sur le grand requin blanc en Afrique du Sud, à la conservation des tortues de mer et des récifs coralliens dans les Caraïbes et à des patrouilles pour lutter contre la pêche illégale des requins en haute mer. Aujourd’hui, elle se concentre sur la conservation des océans en Colombie-Britannique et fait partie du conseil d’administration de Conservancy Hornby Island.
Rebecca m’écrit qu’elle « estime que la représentation de personnes issues de toutes les catégories démographiques est importante dans le domaine de la conservation, car chacun et chacune d’entre nous est partie prenante de la planète et possède des expériences différentes qui méritent le respect dans la prise de décisions en faveur du changement. Les femmes sont des êtres puissants et complexes qui, tout au long de leur vie, doivent surmonter d’innombrables obstacles et développer une identité et une détermination incroyablement solides afin de réussir dans n’importe quel domaine. Je vois un lien évident entre les obstacles auxquels les femmes se heurtent lorsqu’elles essaient simplement d’exister et les défis qu’elles doivent relever lorsqu’elles tentent de remédier à des générations de dommages causés à l’environnement. C’est cette profonde compréhension de franchir les obstacles qui rend les femmes aussi importantes dans le domaine de la conservation. »
« Les phrases que nous entendons généralement dans le domaine de la conservation sont »non, ça n’arrivera jamais » ou »non, ça va demander trop de travail » », ajoute Rebecca.
« En tant que femme racisée, je trouve que cela n’a aucun sens. Lorsqu’on comprend ce que les autres femmes, les personnes appartenant à une minorité visible et les personnes LGBTQIA2S+ ont dû surmonter pour arriver là où nous sommes aujourd’hui, on a encore plus de mal à accepter ces mots. De grands changements sont possibles et nous l’avons vu. À mes yeux, il n’y a rien qui ne puisse être fait. Ce qui compte, c’est de savoir si vous êtes prêt ou non à faire ce qu’il faut pour que cela se produise. »
LES FEMMES, GUÉRISSEUSES DE LA TERRE
Les femmes ont une capacité innée en matière de durabilité. La volonté de nourrir et de maintenir en vie les êtres qui nous entourent fait partie de nous. Alexandra fait écho à cette idée : « L’art de l’endurance est un truc de femme. C’est le seul super pouvoir que j’ai. Les gens me disent tout le temps, »Je suis juste une personne ordinaire, alors moi je ne peux pas. » Je leur réponds toujours : »Hé, je ne suis pas une super quoi que ce soit mais j’ai de l’endurance. Et c’est une caractéristique féminine. » »
Alors, d’où vient cette endurance ? Après avoir écouté ces trois femmes et avoir réfléchi à ma propre résilience, deux sources se profilent :
La première est la connectivité et la clairvoyance des femmes, le fait de comprendre celles qui nous ont précédées et celles que nous pouvons aider à notre tour. Le visage de Tifanny s’illumine devant cette idée : « J’ai la responsabilité de partager mes dons. Lorsque j’étais jeune et que je me sentais intimidée par le fait de vivre dans ce monde colonial, je me suis souvenue de ma responsabilité envers les générations futures. Que si j’aimais tant ce qu’on m’avait enseigné, je pouvais contribuer à en faire profiter le monde autant que possible, comme le faisaient mes aînés. Et que si j’aimais tout ce que ces derniers transmettaient dans ce monde, je souhaitais faire pareil. »
La deuxième source est le lien inextricable entre les femmes et les terres. « Après les nombreux préjudices créés par la colonisation, dans la mesure où les colonisateurs étaient tellement menacés par la voix et le pouvoir des femmes autochtones, ils ont dû nous prendre tout ce qu’ils pouvaient pour nous rendre », analyse Tiffany. « Parce qu’une fois qu’ils ont pris notre pouvoir, ils pouvaient prendre le contrôle du territoire. Si nous assumons notre propre pouvoir en revendiquant ce qui nous appartient, nous redonnerons de la force à notre peuple. »
Chacune d’entre nous a sa propre façon d’exercer son pouvoir pour améliorer le monde qui l’entoure. Néanmoins, Alexandra, Tiffany et Rebecca semblent partager l’idée d’un facteur non négociable.
En se basant sur son expérience, Rebecca déclare : « Je pense que nous, les femmes, devons nous souvenir de nous faire respecter ainsi que l’environnement. Si nous ne le faisons pas, nous finissons par nous épuiser et le monde passe à côté de la contribution fantastique que les femmes peuvent apporter à la guérison de la planète. »
Alexandra va encore plus loin en disant : « Ce n’est pas égoïste de prendre soin de soi. Si vous ne pouvez pas respirer, dormir et faire les choses qui vous détendent, vous ne pourrez ni tenir le coup, ni faire la différence dont le monde a besoin aujourd’hui. Alors, mon conseil aux femmes est de ne pas perdre ce fil. Cet amour, cette attention et cette affection que vous offrez aux autres, vous devez également vous en faire cadeau. Vous vous privez définitivement de votre pouvoir si vous ne prenez pas soin de vous ; nous devons maintenant être puissantes pour avancer contre vents et marées. Faites front. La Terre est faite de tout un ensemble de petits écosystèmes serrés les uns contre les autres. Toute influence positive que vous avez sur l’écosystème dans lequel vous vous trouvez influencera ceux qui vous entourent, et c’est là que vous avez le plus de pouvoir. »
Une fois encore, je déborde d’espoir en présence de femmes qui partagent leurs vérités et leurs dons. J’espère que vous l’êtes tout autant.
Crédits
Article par Sam Rose Phillips.
Sam Rose Phillips est une cinéaste, photographe et autrice vivant sur le territoire Yuułuʔiłʔatḥ, aujourd’hui connu comme Ucluelet, en Colombie-Britannique. Elle privilégie les histoires entre les êtres humains et les animaux sauvages et l’importance culturelle que celles-ci revêtent pour les collectivités côtières. Sam se spécialise dans les formes de narration hors réseau, en régions éloignées, sur terre comme sur l’eau, et a passé les cinq premières années de sa carrière à travailler comme unique membre de son équipe de tournage. Ses réalisations aux côtés de collectifs comme Conservancy Hornby Island, Sea Shepherd, Stand, la North Coast Cetacean Society, Clayoquot Action et la Cetus Research & Conservation Society, lui a inculqué la volonté d’intégrer la vérité et l’espoir au sein de ces mêmes conversations. Ses textes, ses images et ses films sont diffusés par Save Our Seas Magazine, Salty at Heart Journal, The Wild Canadian Year sur Radio-Canada et Outdoor Photography Magazine. À l’heure actuelle, Sam réalise un documentaire consacré à la coexistence avec la faune sauvage.
Photo 2 : Portrait d’Alexandra Morton par Clio Nelson
Photo 4 : Portrait de Tiffany Joseph en robe rouge par Perruzo
Photos (autres) : Nature et portraits par Sam Rose Phillips
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